De saint Nicolas
au Père Noël
Portraits des deux stars des fêtes de fin d'année,
par une spécialiste des traditions.
Depuis une quinzaine d'années, Nadine Cretin, membre de la société d'ethnologie française, entreprend des recherches sur saint Nicolas, qu'elle a découvert en préparant un article sur le mariage. Le patron des fiancés l'a tellement séduite qu'elle n'a pas cessé depuis d'amasser archives et légendes. Elle se consacre actuellement à la rédaction d'un "Que sais-je" sur les fêtes et les traditions occidentales (1).-
Elle s'explique.
On pense qu'il est né vers le milieu du IIIème siècle et qu'il est mort en 343. Qu'il était d'originaire d'Asie mineure, la Turquie actuelle, et qu'il a été évêque de Myre. Mais son existence; truffée de miracles, est peut-être douteuse. Elle n'a été connue qu'au IXème siècle, grâce à des compilations grecques. Bien; qu'on ait retrouvé une tombe, sur une île au large de Myre, les preuves manquent. De réputation, il aurait été, de son vivant, riche et très généreux, ce qui explique sa popularité. Quand la Turquie a été envahie au XIème siècle, des marchands italiens se sont empressés de rapporter ses restes à Bari, dans les Pouilles, où elles ont attiré les foules en pèlerinage. Le culte s'est déplacé, dans l'Est quand un chevalier lorrain, Aubert de Varangéville, a pris une phalange du saint et l'a transportée au village de Port, devenu Saint-Nicolas-de-Port.
- Comment est-il devenu ce qu'il est aujourd'hui?
Saint Nicolas a emprunté des caractéristiques à Odin, le dieu de la mythologie germanique et nordique, notamment la faculté de se déplacer dans les airs. Pour Odin, c'était sur un cheval à huit pattes, saint Nicolas utilise un âne, mais aux Pays-Bas, il prend un cheval blanc. Le traîneau du père Noël vient de là.
La légende de saint Nicolas a superposé aussi d'autres croyances, qui existent toujours en Suisse, dans l'Appenze1l, à1'entrée de l'hiver, qu'on retrouve aussi au moment de carnaval, en Autriche et en Bavière. On voit se côtoyer des personnages élégants, habillés de vêtements soyeux, et des personnages laids qui symbolisent l'hiver, la mort, la stérilité… Saint Nicolas et le père Fouettard se complètent, le bien exorcise le mal.
- Saint Nicolas est-il partout représenté avec sa mitre et sa crosse?
En Occident, il a tous les attributs de l'évêque. En Orient, il paraît sous les traits d'un marin barbu. Saint Nicolas est aussi le patron des navigateurs.
-Quel est l'origine du miracle du saloir ?
La légende n'est apparue qu'au XIIe siècle. Elle n'existe pas dans' l'iconographie orientale. On pense que c'est une mauvaise interprétation d'une représentation d'un autre miracle : saint Nicolas en majesté faisant libérer trois hommes, prisonniers d'une tour, injustement condamnés. On dit également que saint Nicolas a déposé à trois reprises une bourse d'or sur la fenêtre d'un père sans fortune qui voulait vouer ses trois filles à la débauche.
Certains prétendent que c'est à cause du concile de Nicée auquel saint Nicolas a participé et où a été proclamé le dogme de la Trinité. C'est de toute façon un chiffre qui a de l'importance dans les religions, c'est le chiffre du spirituel comme le 7, alors que le 4 est considéré comme le chiffre du corporel.
Saint Nicolas est accompagné plutôt de valets maures, des acrobates, des funambules, les " Pierre le Noir ".
Ce qui est assez révélateur, peut-être de l'éducation donnée aux enfants, le croquemitaine a disparu, quoique les premiers Pères Noël américains avaient, accroché à la ceinture, un bouquet de verges. Ils donnaient des bonbons mais pouvaient aussi punir. La transformation est née d'un poème d'un pasteur, Clément Clark Moore, écrit pour ses enfants, évoquant la venue d'un saint Nick qui passait par la cheminée. Il avait la forme des lutins de Scandinavie. Thomas Nast d'origine allemande, le créateur de l'oncle Sam, l'a ensuite dessiné dans les années 187O sous les traits qu'on lui connaît la barbe blanche, la houppelande rouge, la crosse devenant un sucre d'orge. A partir de 1930 et d'une grande campagne Coca-Cola, le Père Noèl est devenu tout à fait débonnaire.
Les deux personnages annoncent les beaux jours qui vont revenir après l'hiver. On a besoin de symboles rassurants comme on a besoin de lumière chez soi quand il fait sombre dehors.
Propos recueillis par Michel VAGNER
Nadine Cretin a publié chez Gallimard le " Livre des fêtes "(Découvertes Cadets), un " Livre de Noêl " (Flammarion~1997) et les " Chants de la grande nuit ", accompagné d'un CD, aux éditions du Layeur.
Le tout est tiré du journal Est Républicain du 6 décembre 1998, ainsi que les 2 photos suivantes :